Consacré par sa série « Les Pieds Nickelés », Louis Forton, né en 1879 et mort à 54 ans en 1934, est un précurseur de la Bande dessinée française au début du XXe siècle. Il a été de ces artistes qui, par le biais de la presse hebdomadaire de la belle époque à l’entre guerre, vont populariser et développer une bande dessinée qui garde des allures d’Images d’Epinal. Parmi le florilège de revues auxquelles il a collaboré : « L’Illustré » des frères Offenstadt (appelé plus tard « Le Petit Illustré »), créé en 1904 et spécialisé dans le 9e art. Forton y fera ses premières armes en tant que dessinateur, en y créant notamment « Bibi Fricotin ». Retenons aussi « L’Epatant » au sein duquel il donnera vie à ses trois joyeux escrocs que sont la bande des « Pieds Nickelés » le 4 juin 1908. Ces « trois mousquetaires » immoraux aux arnaques rocambolesques feront la renommée de Forton et le bonheur de nombreux lecteurs. Ainsi l’artiste a aussi participé, dans la même veine, à « American illustré », créé en 1907 et s’arrêtant 40 numéros plus tard en 1908. L’hebdomadaire va publier des bandes dessinées américanisées où les auteurs (dont Forton) publieront à la fois sous leur véritable identité et par le biais de pseudonymes, tels « Tom Hatt », « W. Paddock », etc. Dans l’ « American illustré », avant sa participation à « L’Epatant », il élabore le prototype des Pieds Nickelés qui n’est-autre que Séraphin Laricot, dont émanent tous les traits de caractère propres aux trois compagnons : voleur, tricheur, menteur, vagabond et misérable, s’adonnant aux petits larcins et aux farces en tout genre. A la seule différence que Séraphin, aussi malhonnête soit-il, n’arrive jamais à ses fins, la mauvaise fortune s’abattant toujours sur lui au terme de ses aventure. Ainsi, le côté inconvenant du personnage est contrebalancé, comme pour créer une morale : Le crime ne paye pas ! Dans cet ouvrage rare et peu référencé, ce sont donc les aventures de ce père spirituel des Pieds Nickelés, parues dans « American illustré », qui sont compilées au sein de 20 pages, chacune relatant une de ses (més-) aventures. On remarque vite que c’est une œuvre de son temps, l’auteur construisant certaines intrigues autour des progrès et activités de l’époque, comme l’automobile et la photographie pour ne citer qu’elles. En somme, Louis Forton semble s’amuser du récit et du dessin de personnages hors des valeurs qui leurs sont contemporaines, dans une société qui vient à peine de vivre la séparation de l’Eglise et de l’Etat (Loi du 9 décembre 1905). Il verse alors volontairement dans l’ironie sans y atteindre vulgarité ou grivoiserie, la lecture et l’appréciation de son œuvre devant rester à portée de jeunes lecteurs.