« Le Photographe » est le cas rare mais pas unique d’un récit autobiographique scénarisé et dessiné par un tiers. Le projet résulte d’une discussion entre le dessinateur Emmanuel Guibert et son ami le photographe Didier Lefèvre. Examinant des rouleaux de pellicule et des planches contacts, Emmanuel Guibert découvre les centaines de clichés que Didier a pris lors d’une mission en Afghanistan aux côtés d’une équipe de Médecins sans frontières, alors que le pays est envahi par les troupes soviétiques. Captivé par ce que lui en raconte son ami et séduit par la qualité des photographies, Guibert décide très vite de se lancer dans une adaptation de ce reportage sous forme de bande dessinée. Il enregistre les propos de Frédéric Lefèvre qui, cliché après cliché, renoue jusque dans les détails le fil de son périple. Après avoir établi son scénario (et, au passage, recréé tous les dialogues entre les personnages), il en fait un début d’adaptation graphique, qui ne le satisfait pas. La question du rapport du dessin avec le « réalisme » de la photo se pose, non seulement pour ce qui est de la ressemblance entre les personnages photographiés et dessinés, mais aussi de la compatibilité d’une histoire en couleur et de clichés en noir et blanc, puisque d’emblée Guibert a décidé que les clichés du photographe seront, autant que de besoin, intégrés dans le fil du récit comme autant de simples cases Il reprend le projet avec une nouvelle approche graphique et s’adjoint les services de Frédéric Lemercier, qu’il charge de mettre ses dessins en page et en couleur. Le premier tome de la série parait en 2003, les suivants en 2004 et 2006. L’accueil critique et public est enthousiaste et l’on considère que « Le Photographe », aux confins de la BD autobiographique et du reportage dessiné, est une des œuvres majeures de ces vingt dernières années. Les éléments présentés aujourd’hui sont uniquement les dessins d’Emmanuel Guibert, auxquels il manque les photographies avec lesquelles ils dialoguent dans la version imprimée de l’œuvre.