Publiée en 1986 dans Spirou, cette planche du dessinateur belge André Geerts est pourtant sans âge : elle date du temps de l’enfance éternelle, où les lits sont doux et profonds, où les grands-mères sont aimantes et font comme personne des piles et des piles de crêpes succulentes, où les champs et les jardins sont des terrains de jeux infinis… On a souvent rapproché, non sans raison, le dessin d’André Geerts de celui de Sempé, mais cette planche démontre combien la série Jojo doit également aux grands maîtres de l’école de Marcinelle, au premier rang desquels André Franquin. Même rondeur, même dynamisme, même souci du détail qui amuse (regardez bien le réveil du chien dans le second strip), même volonté de transcrire, par le moyen des onomatopées et des signes graphiques, les mouvements, les sons (et même ici les odeurs !), de faire de la lecture d’une planche une expérience totale. Fasciné par les premiers âges de la vie (« Je suis plus proche de l’enfance que des enfants. J’aime bien le premier degré qu’il y a dans l’enfance, le rapport que les enfants ont avec l’univers. […] Pour moi […] la plus grosse nostalgie que j’ai de l’enfance, [c’est] cette sensation d’être. ») André Geerts parvient par des moyens simples et par la même un peu mystérieux à intéresser aussi bien les adultes que les plus jeunes enfants aux aventures d’un gamin à casquette qui vit dans un monde intemporel, dépourvu de télévision et de toute technologie moderne. Le texte en récitatif nous donne une indication sur la manière dont fonctionne le charme des récits de Geerts : la douceur assumée du propos n’empêche pas la malice… Ancien étudiant de l’Institut Saint-Luc de Bruxelles, le Belge André Geerts a d’abord publié des planches dans divers journaux avant de rejoindre l’hebdomadaire Spirou pour lequel il produit une série de dessins d’humour qui feront l’objet de deux recueils (Bonjour, monde cruel ! et Bonsoir, monde cruel !). Il créé Jojo en 1983, qui reste sa série de référence, forte de 17 recueils. Il a par ailleurs dessiné Mademoiselle Louise, sur scénario de Salma et Jabert contre l’adversité, avec Pierre Le Gall.