Publié en 1946, Guerre à la Terre raconte comment les Terriens unis résistent à la tentative de conquête de la Terre par des troupes martiennes. Le militaire français Jean Veyrac mène la lutte contre les envahisseurs, aidé par un petit groupe de pilotes anglais, américains et russes. D’abord victorieux, les Martiens, dont la population comprend des créatures simiesques, combatives et vigoureuses, et une élite dirigeante de petites créatures vertes, conquièrent la plupart des territoires de notre planète, aidés par l’armée japonaise, avant que le froid hivernal ne ralentisse leur progression et que la riposte des Terriens unis ne les contraigne à la reddition. Cet ample récit est une grande date dans la bande dessinée française et l’un des rares exemples, à l’époque, de récit de science-fiction dessiné. Porté par un souffle épique, ne lésinant pas sur les péripéties dramatiques (destruction de métropoles, spectaculaires affrontements militaires), Guerre à la Terre rejoue sur le mode spéculatif le conflit mondial qui vient juste de se terminer, appelant au rassemblement de tous les peuples de la Terre pour lutter contre le danger d’un asservissement, voire d’un anéantissement. On peut le rapprocher d’autres productions exactement contemporaines comme La Bête est morte ! de Calvo et Dancette et surtout, pour la force dramatique et la dimension apocalyptique, du Secret de l’Espadon, première épisode des aventures de Blake et Mortimer dessiné par Edgar Pierre Jacobs. Guerre à la Terre est le grand œuvre de Marijac, homme-orchestre de la bande dessinée française des années 30 aux années 60. On le connaît comme dessinateur, scénariste, rédacteur en chef et éditeur de presse (il dirigea notamment Coq Hardi, grand succès de la presse d’après-guerre où parut Guerre à la Terre). Son énorme production aborde tous les genres : humoristique (Les Mousquetaires du maquis, qu’il créa dans les maquis de la Résistance auvergnate), western (Jim Boum), aventures (Les Robinsons de l’abîme) récit animalier (Cricri souris d’appartement dessiné par Calvo), etc. Dessinateur du premier volume, Auguste Liquois tient les promesses d’un scénario épique. Travaillant des noir et blanc contrastés, jouant sur la dramatisation des postures, il donne vie à un récit à grand spectacle. Marijac se passera pourtant de ses talents pour le second volume, ayant découvert sa participation pendant la guerre au Téméraire, hebdomadaire contrôlé et financé par la propagande nazie et surtout Zoubinette, satire féroce de la Résistance, parue dans Le Mérinos. C’est Dut, autre grand dessinateur réaliste de la période, qui dessinera la seconde partie du récit. La planche que possède le musée appartient à la première partie de l’histoire et montre le colonel Jean Veyrac, fer de lance de la lutte anti-martienne, aux prises avec les grandes créatures extra-terrestres qui sèment partout terreur et désolation. On appréciera le talent de Marijac pour le suspens feuilletonesque et la manière très efficace dont Liquois met en scène les menaçants Martiens.