Publié dans Spirou à partir de 1984, Théodore Poussin est placé sous le signe de la poésie (on y cite couramment Baudelaire et Mallarmé). Déployée sur douze tomes parus à ce jour, la série se compose de deux grands cycles: le premier voit Théodore Poussin, jeune employé aux écritures d’une société de transit dunkerquoise, embarquer sur un bateau en partance pour l’Indochine. Romantiquement fasciné par les horizons lointains, il ne sait pas encore que son voyage le ramènera au cœur d’une intrigue familiale qui le concerne au premier chef. Flanqué contre son gré de M. Novembre, ange protecteur ambivalent qui se présente comme son destin, le jeune Théodore acquiert au fil des albums l’épaisseur que donne la fréquentation du danger. Le second cycle voit Théodore, mûri par l’expérience vivre des aventures dans des royaumes coloniaux en pleine décadence. On pense alors à Stevenson ou Francis Carco. Entre ces deux grands récits se place La Vallée des roses, évocation de l’enfance de Théodore avant la guerre de 14. Traité en aquarelle, raconté pour l’essentiel en texte off, il présente avec une miraculeuse délicatesse les grandes figures familiales, les fêtes, les souvenirs vivaces et saugrenus (l’échouage d’une baleine sur une plage du littoral dunkerquois). Cette enfance fictive touche le lecteur par sa justesse et la discrète mélancolie qui accompagne toujours l’évocation d’une jeunesse enfuie. La Vallée des roses constitue dans l’œuvre de Le Gall, habituellement obsédé par les ruines et le désastre, mais aussi les faux-semblants du théâtre, une parenthèse de pur ravissement.