Edmond-François Calvo a commencé une carrière de dessinateur de presse professionnel en 1938. Elle s’est achevée vingt ans plus tard, en 1958, en plein milieu d’un épisode de Moustache et Trottinette, qu’il dessinait alors pour l’hebdomadaire Femmes d’aujourd’hui. Né en 1892 à Elbeuf d’une ascendance hispano-italienne, Edmond-François Calvo a laissé le souvenir d’un homme affable, au physique imposant. Il participe à la guerre de 1914-1918, et une fois démobilisé, gagne sa vie en dirigeant en Normandie une usine de fabrication de galoches, puis succède à son beau-père à la direction d’une fabrique de boucles de ceinturon. Avec sa femme, il reprend dans les années 1920 un hôtel-restaurant dans la bourgade de Pont-Saint-Pierre, qu’il tiendra jusqu’à leur départ pour Paris en 1938. Il dira plus tard à l’un de ses collègues dessinateurs qu’il était le meilleur client de l’établissement. Bien que n’ayant jamais suivi d’éducation artistique, il mène, en parallèle à ses activités professionnelles, une florissante carrière de dessinateur, sculpteur et parfois même peintre amateur. À partir de 1919, il publie des illustrations dans Le Canard enchaîné, L’Esprit de Paris et Floréal, et réalise des sculptures en bois dont la plupart sont données aux amis et connaissances. Dans les années 1930, il participe irrégulièrement au Salon des humoristes, qui expose des dessins et sculptures. À la naissance de leur première fille et poussé par son épouse qui sent bien que le véritable destin de son mari est dans le dessin, Calvo vend l’hôtel-restaurant et, avec sa famille, «monte» à Paris. Il collabore immédiatement avec les éditions SPE, éditeurs historiques des Pieds Nickelés. Doté une prodigieuse fécondité, Calvo entame alors une carrière qui le voit multiplier les publications et produire un nombre phénoménal de pages. La postérité a retenu à juste titre La Bête est morte!, prodigieuse tentative d’explication de la Deuxième Guerre mondiale par le biais de la métaphore animalière, réalisée à partir de 1942 dans la clandestinité avec les scénaristes Dancette et Zimmerman et destinée aux enfants, mais c’est toute l’œuvre de Calvo qui mérite redécouverte et réévaluation. Relevant exclusivement du genre animalier, les planches de Patamousse ont été dessinées et publiées pendant la Seconde Guerre mondiale, sans doute juste avant, ou en même temps que La Bête est morte!. Elles sont réalisées en noir et blanc et n’ont bénéficié, lors de leur première publication que de reproductions fort médiocres. Oscillant entre la chronique forestière et le récit fantastique, les trois épisodes de Patamousse jouent sur la mise en abyme : une fois conte fantastique, une autre fois enquête policière présentée comme une projection de film auxquels sont conviés les habitants des sous-bois. Certaines pages sont justement célèbres: l’entrée en scène d’un loup borgne et altéré de sang, la course sinueuse d’une baleine en pleine mer… ou comme ici, le festin d’une joyeuse tablée d’animaux des forêts. On a dit plus haut que Calvo avait été patron d’un hôtel-restaurant. Ses histoires en gardent la trace: plus souvent qu’à leur tour ses personnages font bombance et vident de bonnes bouteilles. Dans cette page composée d’un unique dessin, c’est un véritable festin que nous sommes invités à découvrir: le menu est même placé en médaillon, en haut de page! On remarquera le traitement humoristique et plein de vivacité de tous les personnages, qui contraste avec le dessin minutieux de la végétation: les troncs d’arbre et surtout les racines sont travaillés avec une débauche de petits traits dont l’accumulation, dans un autre contexte pourrait tirer vers le fantastique. Les connaisseurs le savent bien: Calvo sait être inclassable et cette planche n’est pas la seule où des personnages tout en rondeurs comiques traversent des forêts aux recoins sombres et aux racines inquiétantes… Nous ne saurions trop conseiller d’utiliser le procédé Hozoom pour scruter tous les détails de cette page joyeuse et fourmillante de détails, qui exalte l’amitié et la bonne chère!