Paru dans l’hebdomadaire Vaillant à partir de 1966, Le Grêlé 7/13 est une œuvre du scénariste Roger Lécureux et du dessinateur Lucien Nortier. La série paraît dans ce magazine proche du parti communiste français jusqu’en 1972, année où les auteurs mettent un point final aux aventures du jeune et intrépide héros qui exaltait la geste de la Résistance intérieure française pendant la Seconde Guerre mondiale. Le récit de guerre est une constante de la bande dessinée depuis la Première Guerre mondiale, mais Vaillant y a porté une attention particulière. Né en juin 1945, le journal Vaillant fait suite au Jeune patriote, organe clandestin des réseaux communistes destiné aux jeunes lecteurs. Les premiers numéros de Vaillant comportent peu de bandes dessinées mais consacrent de nombreuses pages à la Résistance. La série Fifi gars du maquis, dessinée par Auguste Liquois puis Raymond Cazanave et bien antérieure au Grêlé 7/13, affiche clairement le parti-pris de perpétuer l’esprit de la Résistance auprès des jeunes de l’après-guerre. Le Grêlé 7/13 se situe dans cette même veine, bien que sa création soit plus tardive. Scénariste chevronné et populaire (on lui doit entre autres Les Pionniers de l’espérance, Rahan, Captain Apache), Roger Lécureux invente pour Vaillant (qui devient Pif Gadget à partir de 1969) un personnage de jeune français intrépide, auquel on espère que les jeunes lecteurs des années 1960 pourront s’identifier. Son surnom, Le Grêlé 7/13, vient de ce qu’il a sept taches de rousseur sur une joue et treize sur l’autre. Lucien Nortier, qui débute dans l’immédiat après-guerre, est un nom connu de la tradition réaliste française. Il s’est illustré dans le western (Sam Billie Bill), le récit de pirates (Capitaine Cormoran), les aventures historiques (Robin des bois, Fanfan la Tulipe)… Dans cette page extraite d’un épisode paru dans Pif en 1969, on retrouve son style solide, marqué par les grands auteurs classiques américains que sont Milton Caniff et Alex Raymond mais aussi par le maître français Raymond Poïvet. L’importance du texte de commentaire (et des dialogues dans la seconde partie de la page) n’empêche pas Nortier de multiplier les angles de vue et de jouer efficacement des contrastes entre le noir et le blanc. Une soixantaine d’épisodes des aventures du Grêlé 7/13 ont paru dans Vaillant/Pif entre 1966 et 1972. On peut penser que les changements idéologiques qui ont touché la société française après mai 1968, et en particulier la manière dont était vue la Seconde Guerre mondiale, ont démodé une série classique, porteuse d’une vision datée du conflit mondial, et de la Résistance.