Mort en mars 2013, Didier Comès est resté pour beaucoup de lecteurs comme l’homme d’un album, Silence , paru en 1980 chez Casterman, après une prépublication dans (À Suivre). Cette œuvre au noir et blanc minéral le place comme un héritier d’Hugo Pratt et Tardi. Mais elle ne doit pas faire oublier que Comès avait mené auparavant une carrière aussi longue que variée. Né dans l’est de la Belgique en 1942, il débute d’abord comme dessinateur industriel et pratique la bande dessinée en amateur. La rencontre de René Hausman et Paul Deliège qui l’encouragent et le conseillent, l’oriente vers la BD professionnelle. Il publie d’abord dans Spirou puis l’édition belge de Pilote des gags dans un style «gros nez» assez classique. Il change résolument de genre et de style en 1973 avec Ergün l’errant, saga de science-fiction qui doit beaucoup, graphiquement, aux grands maîtres américains de la bande dessinée super-héroïque. Il abandonne la série (qui sera ensuite reprise par Deubelbeiss et Peeters) au bout de deux tomes pour revenir à des pages humoristiques, tout en préparant Silence pour (À Suivre). La parution en 1979 de cette histoire dans le nouveau mensuel des éditions Casterman fait sensation, et son succès public ne s’est depuis jamais démenti. Le récit met en scène Silence, personnage muet et simple d’esprit qui se trouve au centre d’une intrigue paysanne nourrie de haines recuites et de rejet de la différence. Entre légendes rurales et intrigue policière, Silence frappe surtout par la présence de ses décors, évocation étouffante des forêts des Ardennes belges où Comès avait choisi de passer toute sa vie. Le récit, avare en dialogues se déroule entièrement du point de vue de Silence, dont les pensées sont transcrites dans un langage phonétique qui dit tout de sa différence.