Le succès de Tarzan, sous forme de roman, de bande dessinée ou sur grand écran, a entraîné la création de kyrielles d’imitations, tellement nombreuses même qu’un terme a été créé pour les désigner: les tarzanides. Parmi ces tarzanides, on trouve des hommes, quelques singes (mais oui) et un nombre phénoménal de femmes, dont la plus célèbre est sans doute Sheena Queen of the Jungle. Imaginée par Will Eisner et Jerry Iger à l’époque où le père du Spirit et son associé travaillaient à la production de bandes dessinées «clé en main» pour toutes sortes de supports de presse, elle aurait été inspirée, selon Eisner de l’héroïne du roman She, de H. Rider Haggard. Ils l’inventent en 1937 pour les marchés anglais et australien, avant qu’elle soit reprise aux USA par Fiction House, dans le comic book Jumbo. Le succès est tel que Sheena obtient bientôt un support à son nom. Eisner et Iger passent rapidement la main et la blonde maîtresse de la jungle, vêtue d’un fort seyant costume léopard, est ensuite dessinée par Mort Meskin, Bob Webb et surtout Bob Powell. Elle connaitra d’autres avatars, d’abord télévisés, interprétée à partir de 1955 par la sculpturale Irish McCalla, puis au cinéma en 1984, sous les traits de Tanya Roberts. En 2000, Gena Lee Nolin reprend le rôle pour le petit écran. Orpheline d’un explorateur qui l’avait emmenée dans la jungle, elle est élevée par le sorcier noir Koba. Sauvage, puissante, habile aux armes blanches, Sheena possède le don de parler avec tous les animaux de la jungle. Ses aventures, comportant le lot habituel de coups de théâtre et de trésors (voir la planche que nous présentons aujourd’hui), l’amènent à affronter des monstres, des malfrats, des nazis… en compagnie de son petit singe Chim. Elle jette également son dévolu sur un chasseur blanc nomme Bob Reynolds qui joue auprès d’elle le rôle que tient Jane auprès de Tarzan, puisqu’il a le don de se mettre dans le pétrin (on le voit ici au fond d’un piège qui permet la découverte d’un trésor tribal). La dimension volontairement érotique de la série ne fait aucun doute, quand on voit son costume moulant, doté d’un décolleté vertigineux. On en a également un témoignage de première main dans l’histoire My Troubles With Women de Robert Crumb (1980), où le père de Fritz The Cat raconte les émois que lui procurait la vision du feuilleton télé dans les années 1950. On se souvient également que les Ramones lui avaient rendu hommage en 1977 dans leur fameux morceau Sheena’s a Punk Rocker. Preuve s’il en fallait de la place unique de Sheena dans la culture populaire américaine.