De l’innombrable cohorte des auteurs méconnus qui ont travaillé pour la bande dessinée tout au long du XXe siècle, Louis Denis-Valvérane est exemplaire d’une catégorie qui a connu son plus gros contingent avant la Seconde Guerre mondiale : ceux qui faisaient de la BD pour des raisons alimentaires, tout en exerçant par ailleurs la plus noble profession d’artiste-peintre. La dimension utilitaire de l’activité n’entraîne pas que ces auteurs dessinaient leurs pages par-dessus la jambe et la plupart des pages de Valvérane témoignent d’une vraie virtuosité non seulement dans l’expression graphique mais aussi dans le découpage et la mise en scène. Enfant du Midi né en 1870 (à Manosque, comme plus tard Jean Giono) il est très tôt sensible à la cause de la culture provençale défendue par Frédéric Mistral et le mouvement dit du Félibrige. Décidé à devenir peintre, il « monte » à Paris et se lie avec des artistes et intellectuels méridionaux qui y sont installés, dont Charles Maurras. Il vit d’abord en groupe, dans une bohème pittoresque. Au fil des années sa notoriété grandit. Pendant la Première Guerre mondiale, il est affecté à un fort parisien et dessine des bandes dessinées patriotiques. Car il réalise des bandes dessinées. Pour la maison Arthème Fayard, dès le début du XXe siècle, il produit des récits illustrés sous la forme canonique du texte sous l’image. Il s’inspire le plus souvent du folklore méridional, qu’il adapte et modernise pour les besoins de la publication. Mais, comme on le voit, il peut également mettre en scène une histoire bretonne. On appréciera son trait souple, son sens des cadrages et l’audace tranquille qui consiste, dans la dernière image, à ce que le personnage situé à gauche semble « sortir » de l’espace entre les cases. Méconnue, la production BD de Denis-Valvérane compte des centaines de pages, publiées dans les deux titres dédiés à la jeunesse qu’étaient La Jeunesse illustrée et Les Belles images. Il signe de son nom, mais aussi de plusieurs pseudonymes. Il est mort en 1943.