Breton né à Paris en 1943, Jean-Claude Fournier s’est très tôt passionné pour le dessin, le théâtre et la musique (c’est un joueur de cornemuse accompli). En 1966, lors d’une séance de dédicace parisienne, il montre ses essais graphiques à André Franquin qui, séduit, le recommande à Yvan Delporte, alors rédacteur en chef de Spirou. Fournier publie Bizu dans l’hebdomadaire à partir de 1967. Cette série humoristico-poétique qui se déroule dans la forêt de Brocéliande met en scène un joueur de biniou flanqué d’un champignon parleur. Elle paraît de 1967 à 1994 et compte une demi-douzaine de recueils. Séduit par l’atmosphère de Bizu, les éditions Dupuis lui proposent alors de reprendre Les Aventures de Spirou et Fantasio qu’André Franquin a décidé d’abandonner pour se consacrer pleinement à Gaston Lagaffe. Fournier accepte et va dessiner la série vedette des éditions Dupuis de 1968 à 1980, aidé dans un premier temps par Franquin, qui lui fournit des conseils et même les esquisses graphiques de certains personnages. Il était périlleux de prendre la suite de Franquin, mais Jean-Claude Fournier, sans atteindre le génie graphique de son maître, apporte à la série sa sensibilité faite d’une forme de poésie et d’amour de la nature. Le temps d’un album (L’Ankou), il confronte même Spirou à l’imaginaire de la culture bretonne et milite ouvertement contre les dangers de l’énergie nucléaire. Ce qui lui vaudra d’ailleurs des remarques de la part de son éditeur, inquiet que sa série phare devienne un brûlot politique. Sensible à l’évolution des mœurs, Fournier introduit également Ororéa, charmante héroïne qui ne laisse pas Spirou et Fantasio indifférents. En 1980, alors qu’il travaillait sur un nouvel opus de Spirou, les éditions Dupuis lui annoncent qu’ils lui retirent la responsabilité de la série, désormais confiée à Nic et Cauvin. Fournier retourne alors à Bizu et entame une collaboration régulière avec le quotidien régional Ouest France. Il retrouve le journal Spirou en 1998 avec Les Crannibales (scénario Zidrou), suite de gags courts qui révèlent son goût pour un humour plus grinçant. Il change encore de registre avec Les Chevaux du vent, récit « réaliste » en couleurs directes écrit par Lax. Figure de la bande dessinée française et belge, Fournier a également joué un rôle important pour le développement de la bande dessinée en Bretagne : il a été un des parrains du festival Quais des bulles à Saint-Malo et a accueilli dans son atelier nombre de débutants, dont Blesteau, Plessix et Lepage. Le Faiseur d’or est la première aventure de Spirou dessinée par Fournier. Elle reprend tous les ingrédients et personnages classiques de la série et tourne autour d’un ancien grimoire d’alchimie qui renferme la formule permettant de transformer le plomb en or. L’influence directe et indirecte de Franquin est patente dans cette page, qui voit le verbeux maire de Champignac affronter le hautain Zorglub tandis que Zantafio, le cousin maléfique de Fantasio, prépare un (mauvais) coup de théâtre bien dans sa manière. Le découpage efficace use avec habileté des aplats de noir, comme de l’interruption du plan fixe qui prévaut dans la demi planche supérieure.