Auteur méconnu du profane mais reconnu de tous ses pairs et des bédéphiles, le discret Edmond-François Calvo, né en 1892, a connu une véritable réhabilitation à partir de la fin des années 70. La réédition de «Moustache et Trottinette » a ainsi mis en lumière son œuvre conséquente et l’a établi comme référence de la Bande dessinée française, de par son style et son prodige pour le dessin animalier. Ce mythe repose essentiellement sur des œuvres telles que « Rosalie » et « La Bête est morte » ; dont il considérait certainement, lui-même, qu’elles furent l’apogée de son travail, ce sont d’ailleurs les seules dont il conservera les originaux. Pour autant, peu de lecteurs ont vent de son passage dans la bande dessinée publicitaire ou l’illustration de réclame, telle qu’on l’appelait à l’époque. Nous retrouvons ici Calvo à l’œuvre dans un illustré non daté : « La véritable Histoire du Petit Poucet », réalisé pour les soupes de marque Liebig et édité par les Editions du Castor. On notera qu’à cette même époque Calvo réalisa l’illustration du conte de Perrault « Le Petit Poucet », éditée aux éditions GP en 1947. L’histoire du petit poucet y est donc illustrée, au sein d’un petit livret « à l’italienne » (dimensions 21x18) constitué de dix pages dont quatre à colorier, ces dernières reprenant le tracé des celles déjà colorisées. De cette répartition de l’illustration, entre cases colorisées et cases à colorier, ressortent un récit maladroitement posé sur le papier et une drôle de lecture à la clef, tantôt linéaire, tantôt verticale. Reste qu’on y retrouve les codes esthétiques développés par Calvo, des vêtements rafistolés du petit Poucet aux arbres tortueux de la forêt, en passant par les mains à quatre doigts. Ce petit fascicule, destiné aux enfants réticents aux soupes de leurs mamans, n’est pas une exception dans la carrière de l’artiste qui aura fait d’autres travaux similaires, pour la marque de chaussures « André » ou encore les selles de vélo « Idéale ». Il illustre aussi très bien le développement de la BD comme médium de premier choix pour la jeunesse, et les activités moins connues pratiquées par beaucoup d’artistes, mêlant alors leur art à la nécessité de gagner leur pain quotidien.