Né en 1921, le Belge Maurice Tillieux se rêvait marin. La Seconde Guerre mondiale mit un terme définitif à ce rêve. Il publie un roman policier en 1943 puis, à la Libération, se reconvertit dans le dessin, faisant paraître illustrations et récits comiques dans plusieurs titres pour enfants publiés outre Quiévrain. D’abord marqué par les dessinateurs américains Fred Harman et Milton Caniff, il subit ensuite l’influence du français Albert Dubout, avant que le style hergéen, efficace et lisible, ne devienne son modèle unique. A partir de 1947, il entame une fructueuse collaboration avec l’éditeur des Héroïc Albums, périodique d’abord mensuel puis bimensuel qui ne publie que des récits complets. Il y fait paraître les aventures de Bob Bang, puis Bill Sanders et enfin Félix, sa première série policière d’envergure dans laquelle il met au point son univers, mélange d’un réalisme presque hard boiled et d’humour débridé. Ayant collaboré épisodiquement à Spirou, il y fait son entrée en 1954. Reprenant la trame des épisodes de Félix, il crée Gil Jourdan, jeune détective au caractère bien trempé, entouré d’un petit groupe de «seconds rôles» parfaitement campés (Queue de cerise la secrétaire débrouillarde, Crouton l’inspecteur de police gaffeur et distrait et surtout Libellule, ancien repris de justice devenu son bras droit, roi de la blague idiote et du calembour nul). Les deux premiers épisodes, considérés aujourd’hui comme des sommets de la tradition franco-belge, fonctionnent en diptyque et traitent sans trop de fard du trafic de drogue. Tillieux, tout en conservant le goût d’un certain réalisme, s’éloignera des sujets trop sensibles, et alignera une douzaine d’albums de Gil Jourdan qui restent d’une étonnante modernité. Parallèlement, il donnera libre cours à sa verve comique avec César, chronique de la vie d’un dessinateur pour enfants, martyrisé par sa femme de ménage, son voisin policier et la petite fille du même. En 1970, il confie le dessin de Gil Jourdan à Gos, tandis qu’il poursuit une prolifique activité de scénariste, fournissant des histoires à une pléthore de dessinateurs (Will pour Tif et Tondu, Francis pour Marc Lebut, Follet pour S.O.S. bagarreur, Piroton pour Jess Long…). La planche de Gil Jourdan que nous présentons aujourd’hui provient du Chinois à deux roues, dixième album de la série, dont l’action se déroule presqu’entièrement sous la pluie, quelque part dans la province du Si-Kiang. Chargé par un riche négociant (le Chinois du titre) de démanteler un juteux trafic de mobylettes qui lui fait du tort, Gil Jourdan, accompagné de Crouton et Libellule, se heurte bientôt à une bande de malfrats armés et sans scrupules. On voit ici comment il parvient à mettre deux d’entre eux hors d’état de nuire. Cette planche fort peu bavarde illustre à merveille le goût de Tillieux pour la mécanique et les accidents. Les scènes de carambolages sont légion dans son œuvre et témoignent de sa virtuosité quand il s’agit d’évoquer la vitesse et surtout de «froisser de la tôle». Une ironie un peu tragique veut que Tillieux soit mort en 1978, dans un accident de la route.
Type d'œuvre
Planche
Droits
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Source
musée de la bande dessinée - la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image