Nubis, Voyage dans la Lune, qui se trouvait dans la succession d’un descendant de Cham, a été acquis en 2006 par le musée de la bande dessinée d’Angoulême. Se présentant sous la forme d’un cahier cartonné d’une vingtaine de pages, l’original raconte l’histoire de M. Nubis, prototype du bourgeois du XIXème siècle. On le découvre au début de l’histoire en partance pour un voyage en aérostat. La foule se masse pour applaudir le hardi voyageur dont l’envol manque pour le moins d’apparat: le décollage se fait alors qu’il est encore occupé à grimper dans la nacelle. Ballon et passager s’élèvent rapidement dans les cieux jusqu’à atteindre la Lune. M. Nubis «prend lune avec ses provisions» (plus tard, il «tombe à lune» puis mange des «pommes de lune frites»: toutes les expressions courantes employant le mot «terre» sont ainsi détournées) rencontre les Luniens, habillés de blanc et dotés d’une face rubiconde en haut de laquelle se trouve un œil unique. Pour se fondre dans la population du cru, M. Nubis cache l’un de ses yeux au moyen d’un bandeau, puis badaude à la découverte de la Lune et de ses habitants. L’endroit ne manque pas de désagréments: chaud le jour (3000 degrés au-dessus de zéro) glacial la nuit (3000 au-dessous de zéro). Les journées comptent 696 heures et les mœurs des autochtones étonnent: pour payer une marchandise ou un service, on botte les fesses du fournisseur. A la suite de malencontreuses initiatives, M. Nubis est arrêté, conduit au tribunal et jugé. Pour se tirer d’un sort funeste, il ôte son bandeau en plein prétoire, effrayant ainsi les Luniens présents, puis s’enfuit et quitte la Lune en sautant dans le vide, suspendu à un mouchoir de poche. L’histoire s’interrompt ici, en plein suspense. On peut imaginer que Cham avait prévu une suite à ce récit rocambolesque, mais nous ne la connaissons pas. Le document, dont la datation précise est malaisée, est dessiné à l’encre et à la couleur sur le verso des pages et se présente comme une pochade. Le texte sous l’image est rapidement griffonné, parfois raturé et surchargé, les couleurs sont posées avec le souci de l’efficacité, et une grande sûreté. L’influence de Töpffer est manifeste dans l’inspiration et la forme du récit: l’histoire d’un bourgeois embringué dans une histoire «hénaurme» qui le dépasse, racontée au moyen d’une suite de vignettes surmontant un texte court et manuscrit. On sait que cette histoire n’a jamais été publiée. S’agissait-il d’une commande ou d’un simple divertissement? Cham a-t-il jugé qu’elle n’était pas digne d’être retenue? Autant que questions auxquelles, en l’état actuel des recherches, on ne peut pas répondre. Deuxième fils d’un pair de France, on connaît Cham (Amédée-Charles-Henri de Noé, né en 1818 et dit) de nos jours comme l’un des grands dessinateurs de presse et caricaturistes de la seconde moitié du XIXe siècle, mais il fut de 1839 à 1843 le précurseur de la bande dessinée en France, publiant plusieurs albums (Histoire de Monsieur Lajaunisse, Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse…), qui rappellent les œuvres du pionnier suisse Rodolphe Töpffer. À partir de 1843 et pour plus de trois décennies, il devient caricaturiste pour Le Charivari puis L’Illustration, et l’un des plus renommés de son temps. La phtisie l’emporte en 1879.
Type d'œuvre
Planche
Droits
domaine public
Source
musée de la bande dessinée - la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image