Les Pieds Nickelés est le titre d’une pièce de théâtre de Tristan Bernard jouée pour la première fois en 1895, dont les personnages professent une passion très modérée pour le travail. Il n’est donc pas étonnant que Louis Forton (1879-1934) l’ait repris à son compte pour désigner le trio de bons-à-rien qui sont les héros des histoires qu’il dessine pour l’hebdomadaire L’Epatant à partir de 1908. Buveurs, fumeurs, bagarreurs, tricheurs, voleurs, escrocs… Filochard (le brun à moustaches et bandeau sur l’œil), Croquignol (le grand à long nez) et Ribouldingue (le barbu rondouillard) cherchent par tous les moyens à échapper aux affres du travail. Inventés par Louis Forton en 1908, ils rencontrent rapidement le succès auprès des lecteurs de l’hebdomadaire L’Épatant, publiés par les frères Offenstadt. Les aventures des Pieds Nickelés se signalent, outre leur joyeux amoralisme, par des péripéties souvent abracadabrantes, un langage populaire et très imagé et un dessin simple et très efficace. Ce cocktail détonnant provoque l’ire des parents, éducateurs et prêtres de l’époque qui vouent les personnages et le titre où ils paraissent aux gémonies. Cela n’empêche pas les aventures du trio de continuer à paraître. Bien que mauvais sujets, les Pieds Nickelés soutiennent l’effort de guerre entre 1914 et 1918, où ils combattent les soldats allemands, présentés comme stupides et empotés. Forton qui, comme l’a dit un critique « pratique sa discipline en dilettante », abandonne les Pieds Nickelés entre 1924 et 1926 pour créer un autre personnage promis à un grand avenir, Bibi Fricotin. Plus d’une quinzaine d’aventures du trio paraissent, reprises en albums souples qui connaissent plusieurs éditions jusqu’à la mort de Forton en 1934. Les personnages sont alors repris par Aristide Perré de 1934 à 1938, puis Albert Badert de de 1938 à 1940. Il faut ensuite attendre 1948 pour que René Pellos fasse renaître la série. Aidé par plusieurs scénaristes, il dessine 95 épisodes jusqu’en 1981. Pellos transforme la bande en adoptant la bulle de dialogue et un découpage plus « moderne ». Depuis l’abandon de Pellos, de nombreux dessinateurs ont repris la série, avec plus ou moins de bonheur. La planche que nous présentons cette semaine est de la main de Louis Forton et a été publiée dans L’Epatant, avant d’être reprise dans le recueil Ollé ! Ollé !Soyons gais !, publié par la Société parisienne d’édition en 1929. Elle est typique, dans le fond comme dans la forme, de la manière de Louis Forton. Racontant le passage des Pieds Nickelés en Espagne, il les entraîne dans une bouffonne parodie de corrida, qui se termine par un casse de coffre-fort. Suivant les règles du temps, Forton place sous ses images un texte typographié (absent ici) qui raconte le récit sur un mode indirect. On remarquera cependant qu’il place une bulle (« Es horroroso ! ») qui accentue la dramatisation comique du moment fort de cette séquence.
Type d'œuvre
Planche
Droits
domaine public
Source
musée de la bande dessinée - la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image