Policier, représentant de commerce, boucher… Le Belge Fernand Dineur (1904-1956) aura connu un étonnant parcours avant de devenir auteur de bande dessinée. Il est publié dans le No.1 du Journal de Spirou en avril 1938. Il a imaginé un héros chauve appelé Tif qui rencontre bientôt un barbu hirsute fort logiquement nommé Tondu. Ces deux-là deviennent inséparables et vivent des aventures abracadabrantes, étonnant mélange d’humour et d’aventures débridées. Après la guerre, le dessin est confié au jeune dessinateur Will qui va transformer l’esthétique de la série, transfigurée par l’élégance de son trait. Parallèlement, Dineur poursuit seul les aventures de ses héros dans une publication concurrente de Spirou, les Heroïc Albums (où s’illustrera entre autres Maurice Tillieux). Il abandonne définitivement la série en 1952, laissant Will aux commandes. Ce dernier fait appel pour les scénarios au regretté Maurice Rosy, qui va introduire dans la série un personnage promis à un brillant avenir: M. Choc, mystérieux chef de la Main blanche, puissante organisation secrète aux multiples ramifications. Choc, le visage perpétuellement dissimulé par un heaume, est un «méchant» de haut vol. Devenue une des séries phares de Spirou, Tif et Tondu bénéficie ensuite des scénarios de Maurice Tillieux (lorgnant vers le fantastique), puis Stephen Desberg (plus ouvertement politiques). À part une parenthèse entre 1962 et 1964 où Marcel Denis reprend brièvement la série, Will en est le dessinateur attitré jusqu’en 1991, année où il passe le relais au duo Alain Sikorski (dessin) et Denis Lapière (scénario). Tif et Tondu prennent leur retraite en 1997, après soixante ans d’existence et plus d’une cinquantaine d’albums. Cette planche des débuts de la série est emblématique de la patte de Dineur, dont l’humour piquant (voir la deuxième case) ne s’embarrasse pas de subtilité inutile. On notera l’expressivité des postures des deux personnages et un usage assez hardi de l’ellipse dans les deux premières bandes de cette page. Le bleu qui orne cette page servait d’indication à l’imprimeur pour qu’il sache où placer une couleur d’accompagnement.