La bande dessinée compte nombre de savants distraits, mais le savant Cosinus est l’un des plus mémorables, qui annonce Tryphon Tournesol et le comte de Champignac. Inventé en 1893 par Christophe pour Le Petit Français illustré , il paraît plus ou moins régulièrement dans le magazine avant d’être repris en album en 1899 sous le titre L’Idée fixe du Savant Cosinus . Car Cosinus (de son vrai nom Zéphyrin Brioché) a une obsession : faire le tour du monde. Malgré les obstacles et les avanies, il met toute son énergie dans cette entreprise hasardeuse, d’autant que sa phénoménale distraction (il est constamment absorbé par des calculs mathématiques) n’arrange rien. Il sème sur son passage désordre et désolation, sans jamais se rendre compte de rien. On sait que Christophe, un des précurseurs de la bande dessinée française, a été enseignant. De son vrai nom Georges Colomb, Christophe, tout en menant une carrière dans l’éducation, publie à partir de 1889 dans la presse pour enfants les aventures de La Famille Fenouillard, Les Facéties du Sapeur Camember, L’Idée fixe du savant Cosinus, etc., qui l’établissent comme un des maîtres de l’humour français. Il se situe dans la longue tradition des satiristes souriants qui moquent leurs contemporains avec une verve jamais tarie. Cette verve se retrouve aussi bien dans les textes, toujours ciselés, que dans le découpage graphique, qui joue avec brio de l’ellipse et de la répétition. Christophe délaisse la bande dessinée après 1915 et se consacre à l’enseignement et la rédaction de manuels scolaires. Cette planche, titrée Une partie de jacquet, est présente dans les collections du musée de la Bande dessinée depuis 2000. Elle est d’autant plus remarquable qu’elle n’a pas été reprise dans l’album mentionné plus haut. Elle ménage un repos dans la quête de Cosinus, qui succombe aux joies fugaces d’une partie de jacquet, perturbée par son incorrigible distraction : il confond son verre avec le cornet de dés et verse son café chaud sur la table de jeu.